S’écrire est une forme efficace d’expression de soi.
Avoir un espace pour écrire vos émotions, vos émotions, vos expériences et vos observations personnelles sur la vie, que vous l’appelez un journal intime ou un journal tout court, peut être apaisant à de nombreux égards.
Nayla Chidiac, docteure en psychopathologie, fondatrice des ateliers d’écriture thérapeutique au Centre hospitalier Sainte-Anne, nous apprend que « l’écriture de soi, le journal intime, n’a jamais cessé d’exister ». C’est avec Épictète (50-125 ap. JC) que naît l’écriture comme exercice personnel. Les hypomnemata remontent du Ier et IIe siècles. Ce terme grec peut se traduire tout simplement par « support de mémoire ». C’est la forme première des journaux intimes.
Après Marc Aurèle et ses Pensées pour moi-même, Saint Augustin et ses confessions, ce genre littéraire se répand à la fin du Moyen Age et trouve son apogée au XVIIIe siècle.
Le « Diarisme » est un terme emprunté à l’anglais diary, introduit en France en 1952 par Michèle Leleu dans Les Journaux intimes (PUF)
Tenir un journal apporte de nombreux bienfaits, et certains dont on ne suppose pas l’existence au premier abord. Et puis nous ne saurions rien du côté personnel de notre histoire sans des chroniqueurs comme Anne Frank, Stendhal ou Samuel Pepys.
De nos jours, les gens tiennent des blogs ou des vlogs et enregistrent leur vie sur les réseaux sociaux, mais très peu d’entre nous s’assoient et écrivent nos expériences. Pourquoi ne pas tenter le coup ? Nous espérons que cet article vous aidera à comprendre l’importance de cette pratique et vous incitera à le faire !
Apprendre à mieux se connaître
Selon l’histoire, le philosophe grec Socrate, crédité pour inventer l’adage populaire « Connais-toi toi-même », a utilisé un système d’enseignement qui comprenait des dialogues entre soi. Il s’agit de se questionner sur papier, en écrivant des questions sur la vie, puis en les abordant nous-mêmes.
La psychologue, écrivaine et hypnothérapeute Isabelle Minière affirme en ce sens que « nous cherchons naturellement nos mots, ceux qui sont justes, authentiques, ceux qui nous reflètent. Avec ce travail de précision, nous nous révélons à nous-mêmes ».
À la différence des réseaux sociaux, le carnet offre la possibilité de construire son identité en dehors du regard des autres, de leurs attentes, de leurs jugements. C’est un véritable outil de connaissance de soi, et un incroyable refuge.
Libérer ses émotions
D’après Laure d’Astragal, coach et professeure de yoga, auteure de J’écris ma vie pour mieux me connaître (Albin Michel), « coucher sur le papier ses émotions et ressentis douloureux soulage. » Ce qui polluait à l’intérieur peut s’extérioriser et permet la libération des émotions. « Ce qui ne s’exprime pas s’imprime dans le corps, Le mal-être vient du déni et du refoulement. La parole, comme l’écrit, libère. Cette extériorisation agit comme une purge. » confirme Stéphanie Assante, coach de vie certifiée. Elle ajoute qu’il faudrait « prendre le temps de poser un regard sur soi, de quitter le “pilotage automatique” ».
Un autre élément essentiel de la tenue d’un journal est de vous exprimer. Les journaux intimes, en plus de fournir un moyen d’expression de soi à travers le mot écrit, sont souvent remplis de gribouillis et de croquis qui accentuent le texte réel de ce qui est écrit. La page vide est un parallèle à la vie à bien des égards.
Matthew Lieberman, Directeur du laboratoire de neurosciences cognitives de l’Université de Californie à Los Angeles, a observé que le complexe amygdalien (partie du cerveau responsable de l’intensité de nos émotions) baissait considérablement lors de la prise de notes. « Le cerveau a plus de facilité à gérer un problème à l’écrit. A l’oral, le sujet a tendance à s’énerver, il revit le mauvais moment. Écrire régulièrement dans un journal intime permet donc de mieux réguler ses émotions. »
Soigner son intimité
Tenir un journal est un processus d’expression de soi ainsi que d’autoréflexion. Lorsque vous lisez ce que vous avez écrit, qu’il s’agisse d’une nouvelle page, et certaines des mois ou des années précédentes, cela devient un moyen pour vous de vous écouter et de découvrir d’une façon plus honnête qu’auprès d’autres personnes, le terrain émotionnel qui vous caractérise. Vous devenez intime avec vous-mêmes, et cela permet de se connecter à ses désirs, ses douleurs, ou ses peurs profondes.
La portée des souvenirs
Même les moindres détails d’incidents dans nos vies deviendront des choses que nous chérirons en vieillissant. En tenant un journal intime, vous capturez les moments de votre vie qui doivent être écrits.
On peut aussi voir plus loin, et imaginer la publication future de vos écrits, qui seront les témoignages de vos expériences pouvant bénéficier aux autres.
Une action bénéfique sur la santé mentale
Écrire sur soi permet de traiter nos expériences en toute sécurité et de revoir des événements particuliers de manière moins culpabilisante. Le journal nous donne la possibilité de résoudre des expériences traumatisantes grâce à l’environnement sûr qu’il représente.
Il s’agit d’un besoin vital et plus encore lorsqu’il s’agit de résister à la détresse ou à la destruction qu’ont connues les survivants des traumatismes.
Généralement, un journal sert de refuge dans lequel nous pouvons partager des sentiments qui peuvent être trop douloureux pour être exprimés dans un environnement public. Qu’il s’agisse d’exprimer votre indignation, d’écrire sur un nouveau coup de cœur ou de pleurer la perte d’un être cher, trouver un espace confortable pour libérer vos pensées et vos émotions vous aide normalement à vous sentir plus heureux en offrant un exutoire aux pensées et aux sentiments qui resteraient bloqués à l’intérieur de vous.
Il est conseillé d’’être honnête envers soi-même, mais aussi de se pousser à l’optimisme. Un journal positif sera une porte d’entrée vers des émotions positives à tout moment au lieu d’entraîner l’auteur à se plaindre, et à la relecture, le tirer vers le bas à chaque fois qu’il décide de regarder en arrière.
Le journal devient alors un moyen efficace pour entrer en action et aller de l’avant. Mais attention, « prendre la plume est certes libérateur, mais ce n’est qu’une porte ouverte. Sans un travail d’élaboration de la pensée, s’éloigner du point de douleur est difficile », prévient Nayla Chidiac.
Un suivi de notre propre évolution
Un journal en dit beaucoup plus sur un individu que ce qui est écrit à l’intérieur. Vous n’avez pas besoin d’un diplôme universitaire en graphologie (analyse de l’écriture manuscrite) pour voir si votre propre écriture montre quelque chose sur votre état psychologique. Observer comment votre écriture varie lorsque vous vieillissez, lorsqu’elle est audacieuse et optimiste par rapport à lorsqu’elle est minuscule et hésitante, n’est que l’un des avantages fascinants de tenir un journal pendant longtemps.
L’étude graphologique s’accompagne évidemment de l’étude linguistique, émotionnelle, et synthétique d’un journal. « Qu’est ce qui a le plus évolué ? ». « Que puis-je changer ? ». Nous pouvons aussi remarquer que nous nous apitoyons trop, et prendre conscience que nous sommes parfois notre pire ennemi, un juge impitoyable, et redevenir plus indulgents et doux avec nous-mêmes.
Une façon d’être en pleine conscience
Écrire vos sentiments vous place dans un état d’esprit complètement différent. Après une journée longue, ennuyeuse et mouvementée, vous êtes comme un chaudron d’émotions en ébullition qui attend d’éclater. Cependant, lorsque vous commencez à exprimer vos frustrations dans votre journal, un sentiment de calme et de tranquillité vous envahit. Vous vous sentez plus léger comme si un poids lourd vous avait été retiré des mains. Votre esprit a été libéré de l’état des frustrations et des angoisses antérieures face à l’avenir incertain. Vous êtes préoccupé par « l’ici et maintenant ». Vous avez un meilleur équilibre entre vos sentiments.
Pour Stéphanie Assante, écrire serait presque méditer. Dans son livre La Vie dont vous êtes le héros (Mango, 2017) elle souligne que cet entraînement « débranche le cerveau gauche rationnel pour accéder à un soi plus authentique, créatif, émotionnel, inconscient ». De la même façon que le dessin, le coloriage, les puzzles, la danse ou le chant par exemple, aident à focaliser notre attention et à vivre l’instant présent, nous plongeons dans un état de conscience modifiée, appelé transe en hypnothérapie.
Hélène Bah-Ostrowiecki, consultante et formatrice, insiste, elle, sur la dimension corporelle. « Cela exige de la concentration, un engagement physique, une mobilisation consciente du corps » détaille l’auteure de L’Écriture thérapie (Eyrolles).
Un outil de réflexion
Philippe Lejeune, dans Le Pacte autobiographique (Seuil, 1996), énumère les raisons qui poussent une personne à jouer le jeu de l’écriture quasi quotidienne, et met en avant le « besoin d’auto-édification », et donc la fonction essentielle de la relecture.
Laure d’Astragal, ingénieure de formation, qui anime des ateliers d’écriture depuis plus de quinze ans confirme que le journal permet de revisiter son histoire : « L’introspection laisse alors place à une forme de réflexion, qui tend à faire le point, qui pose des questions, qui cherche à comprendre. Pourquoi, dans telle situation, on a persévéré, par exemple, ou quelles frustrations sont récurrentes. »
Cette activité permet également de prendre du recul, parce qu’il permet de regarder nos problèmes sous un angle différent, et à mieux réagir face aux épreuves. Il nous autorise à nous demander si le problème est aussi grave que ce qu’on le pensait avant d’écrire ?
L’écriture de journal intime, avec sa structure, aide à donner des pensées brutes et à sentir un certain ordre, ce qui est extrêmement bénéfique pour être un écrivain par exemple, mais pour n’importe quelle personne cherchant à réfléchir sur des projets naissants.
Suscite la créativité
Rédiger un rapport est un excellent moyen de s’exprimer de manière créative. Tout le monde a la capacité d’être créatif ; la plupart d’entre nous ne l’ont probablement pas encore réalisé. L’endroit idéal pour commencer à exprimer votre imagination intérieure est dans votre cahier. Faites une liste de tout ce qui vous vient à l’esprit. Laissez libre cours à votre imagination.
Tenir un journal aide à améliorer votre écriture
La meilleure façon de s’améliorer dans n’importe quel domaine est de s’entraîner. La rédaction d’un journal vous permet de vous concentrer sur votre écriture sans vous soucier de ce que les autres pourraient penser.
Plus vous écrirez, mieux vous écrirez. Plus vous poserez vos idées sur le papier, plus vous en aurez.
Booster sa mémoire
Votre mémoire va se souvenir de ce que vous avez écrit dans votre journal. Puisque vous l’écrivez dans un cahier, le cerveau peut développer des liens plus forts avec les choses que vous avez apprises, ce qui vous permet de vous en souvenir plus facilement à l’avenir !
Mode d’emploi
Stendhal, confiait dans son Journal (Gallimard) : « J’entreprends d’écrire l’histoire de ma vie jour par jour […]. Je prends pour principe de ne pas me gêner et de n’effacer jamais. » La règle numéro une, est donc de ne jamais se censurer. Ensuite, il s’agit d’établir une habitude d’écriture. Il n’est pas nécessaire de consacrer beaucoup de temps si l’on décide de le faire quotidiennement. Vous trouverez peut-être plus facile d’établir un créneau horaire quotidien, par exemple juste avant l’heure du coucher. Il sera ainsi plus facile de trouver le temps de développer une routine d’écriture.
Peu importe si vous sautez quelques jours ici et là, ou si vous n’avez pas envie d’écrire sur ce qui s’est passé ce jour-là. Assurez-vous simplement de ne pas trop vous éloigner de la routine, et si vous le faites, reprenez-la dès que possible !
Vous pouvez commencer par noter « noter chaque soir les cinq événements positifs vécus dans la journée permet de les revivre, bien sûr, et de les laisser infuser. Mais c’est aussi le moyen d’être plus attentif à ce qui arrive de beau, de bien, de bon, de le remarquer sur le moment, d’être plus sensible à un sourire ou un parfum. » comme le suggère Isabelle Minière
« De nos jours, plus de cinq millions de personnes tiennent des journaux en France », Précise le psychologue Elsevier Masson qui a publié Ateliers d’écriture.
Un journal est donc un ami sur lequel vous pouvez absolument compter, sans parler des autres opportunités qu’il vous offre, comme dit précédemment, que vous ayez ou non un besoin vital de le faire. Alors, qu’attendez-vous ? Prenez un carnet et commencez à écrire vos pensées ou vos mots, prenez du plaisir, et surtout, refusez l’auto-censure.Et souvenez-vous, comme le souligne le grand auteur Américain Collum McCann, « une page blanche, vaut mieux qu’une page sans travail » ! (Lettre à un jeune auteur’, Belfond, 2016).