Maman et papa. L’idée de famille est encore associée à une idée très traditionnelle, composée d’un père et d’une mère. Ce type de modèle familial exclue les nouvelles formes de couples qui émergent depuis le début du siècle, et se heurtent à des limites lorsqu’elles veulent former une famille.
Selon un sondage IFOP de 2018, 52% des 994 personnes LGBT (lesbiennes, gays, bisexuelle, et trans) interrogées déclarent souhaiter avoir des enfants au cours de leur vie. Dans cette perspectives, les couples homosexuels envisagent aussi bien l’adoption que le recours à la Procréation Médicalement Assistée (PMA) ou à la Gestation Pour Autrui (GPA).
Le mariage gay a ouvert la voie. Les mentalités et la législation s’élargissent peu à peu en faveur de l’homoparentalité.
Fonder une famille est donc, sur le papier désormais à la portée de tous les couples. Mais au quotidien, tout n’est pas si simple pour ces parents désireux d’avoir des enfants, et des zones floues persistent. Les démarchent prennent des allures de parcours du combattant et impliquent de nombreuses questions en termes de filiation et de statut légal et social des homoparents. On fait point sur l’avancée législative et sociale en matière d’homoparentalité.
Le mariage pour tous et ses conséquences sur l’adoption des couples du même sexe
Selon l’article 346 du Code Civil français, « nul ne peut être adopté par plusieurs personnes, si ce n’est par deux époux ».
Depuis la loi portée par Christine Taubira, adoptée et publiée le 18 mai 2013, les couples du même sexe ont le droit de se marier, et donc de recourir à l’adoption. Cet élargissement de la loi met à l’honneur ces famille dans notre société et laisse émerger une évolution des mentalités. Avant cette réforme, seule l’adoption en tant que célibataire était possible. L’enfant adopté par un couple d’homosexuels mariés a donc légalement deux pères ou deux mères. L’autorité parentale est partagée par les 2 époux, et les liens de filiations sont établis de façon claire.
Il existe deux modèles d’adoption :
- Soit elle est plénière, et l’enfant bénéficiera d’une filiation nouvelle, qui se substitue à sa filiation biologique.
- Soit elle est simple, et n’efface pas les parents d’origine de l’enfant.
Les avancées de la 4ème loi de bioéthique 2021 et la PMA
Promesse de la campagne du candidat Macron, la PMA pour toutes a été adoptée le 29 juin 2021 à l’Assemblée nationale, après vingt-deux mois de discussion.
La loi relative à la bioéthique élargit la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes seules. Elle offre de nouveaux droits pour les enfants nés d’une PMA, qui pourront à leur majorité accéder aux données relatives aux donneurs, telles que l’âge ou les caractéristiques physiques, mais surtout à l’identité du père biologique.
L’assurance maladie prend en charge la PMA ouverte à ces femmes, au même titre que les couples hétérosexuels, en application des mêmes critères. Jusqu’à lors, la procréation médicalement assistée n’était accessible qu’aux couples hétérosexuels, et sur prescription médicale.
Pourtant, dans la réalité, certains couples lesbiens ou femmes célibataires témoignent de discriminations dans les hôpitaux, et la pénurie de sperme et d’ovocytes retarde les délais d’accès à la PMA. En effet, les femmes françaises lesbiennes enflent les listes d’attente, et n’auront accès à un don de sperme et à la PMA qu’au bout d’un an minimum. Et c’est très long quand on sait qu’environ 51% des femmes seulement tomberont enceinte au bout de 3 tentatives. C’est ainsi que pour gagner du temps, nombre d’entre elles vont continuer de se rendre dans les pays européens limitrophes pour obtenir un don de gamètes (Espagne, Belgique, Pays-bas…). Une fois l’une des deux épouses enceinte, elle devra consentir à l’adoption de son enfant par sa conjointe. C’est donc une démarche en deux étapes qui permet aux couples lesbiens de fonder une famille : la PMA dans un premier temps, puis l’adoption dans un second.
L’homoparentalité et la Gestation Pour Autrui (GPA) : une situation délicate
La GPA est interdite à tous les couples en France par une loi de 1994 relative au respect du corps humain qui stipule que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». Les parents homosexuels voulant faire appel à une mère porteuse, sont forcés de le faire illégalement à l’étranger et de se rendent coupables du « délit d’incitation à abandon d’enfant ».
Quant au rôle d’intermédiaire à but lucratif entre des individus « désireux d’accueillir un enfant », et une femme « acceptant de porter en elle cet enfant » est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende. Bien qu’il s’agisse d’un accord passé entre personnes consentantes pour les défenseurs de la GPA, les opposants la juge immorale et y voient une exploitation du corps de la femme.
Quant à Emmanuel Macron, dans son discours de candidature, il a rappelé sa position sur le sujet : « sur la GPA, je n’ai absolument pas changé d’avis : je continuerai de proscrire cette pratique ». La maternité de substitution est cependant autorisée au Canada et aux Etats-Unis. Certains pays la réserve à leurs seuls résidents, comme Israël, la Thaïlande et la Grande-Bretagne.
Malgré la prohibition en France, le droit positif reconnaît la GPA au grand dam des opposants de la pratique. Cette incohérence dans le discours des autorités plaide en faveur des enfants qui n’ont pas à souffrir de la façon dont ils ont été conçus. Mais seul le parent biologique, c’est-à-dire celui ayant offert son sperme pour la FIV (fécondation In Vitro) est reconnu pour le moment comme le père biologique et légal de l’enfant.
Famille homoparentale au regard de la société
Les couples homosexuels ressentent une pression sociale, qui se retrouve dans le discours du pédopsychiatre et Philosophe Serge Hefez : « pour ces familles, c’est comme une épée de Damoclès, on peut parler de double peine, c’est flagrant. Dans mon cabinet, je reçois des familles homoparentales avec des enfants qui vont bien. Les parents viennent car ils craignent que leur enfant aille mal. Et cela, c’est une peur induite par la société. »
Jean Pierre Winter, psychanalyste et auteur de « Homoparenté », aux éditions Albin Michel, évoque une ambivalence des mentalités : « se demander si la société est prête sous-entend qu’il faudrait qu’elle le soit et qu’elle est donc en retard sur ce qui est souhaitable, or nous n’en savons rien. La société semble divisée en deux parties plus ou moins égales, l’une prête à accepter ce changement et l’autre qui le réfute totalement. Mais les sondages sur des sujets comme celui-ci n’ont aucun sens. Que la personne réponde oui ou non ne prouve pas un instant qu’elle a réfléchi à ce que cela implique, pour elle et pour les autres. Il faut faire attention au discours manifeste et au discours latent. Le fait que les choses aient l’air manifestement acceptées ne signifie absolument pas que, dans le tréfonds de chacun, ce soit le cas. Nous sommes tous ambivalents face à ce sujet. »
La question de la répartition des rôles revient souvent dans une parentalité qui n’est pas sexuée.
Dans les familles homoparentales, la stigmatisation d’être une famille non normative persiste. « On nous demande souvent qui est l’homme dans le couple ? Quand il y a deux femmes, qui joue l’homme ? Ce n’est pas que l’un doit jouer l’homme et l’autre la femme, mais au final l’un va être plus en avant et l’autre un peu moins. Comme dans des familles ordinaires ! » déclare Marilyne, l’une des deux mamans de Léna, conçue par GPA.
Depuis Mars 2022, les formulaires d’état civil français incluent les familles homoparentales. De nouvelles cases permettent « d’indiquer quand c’est le cas, que vous avez deux mamans ou deux papas », a précisé la ministre déléguée Marlène Schiappa.
Une avancée en la matière. Mais la mise en œuvre de politiques familiales publiques dans lesquelles toutes sortes de réalités sont présentes pourrait être nécessaire dans l’avenir.
Quoi qu’il en soit, la famille homoparentale constitue une question récurrente dans le débat politique.