Face aux addictions qui touchent 8 à 10 % de la population française, une solution existe. Gratuite et à la portée de tous, les Douze Étapes sont un modèle sur lequel s’appuyer pour se libérer d’une dépendance lourde. Elle évite le recours excessif aux médicaments habituellement prescrits.
Développée dans les années 1930 par les fondateurs américains des alcooliques anonymes, Bill Wilson et Bob Smith, cette méthode se base sur les groupes de parole, autour d’un principe simple : des addicts aident d’autres addicts.
Le Minnesota Model, ou programme AA, offre un programme de rétablissement qui a fonctionné pour les premiers membres des AA et qui a porté ses fruits pour beaucoup d’autres : Narcotiques Anonymes (NA), Outremangeurs Anonymes (OA), Codépendance affective (CODA), dépendants affectifs sexuels (DASA), Débiteurs Anonymes (DA).
De quoi redonner espoir à ceux qui pensaient ne jamais s’en sortir.
Les deux piliers du programme : le groupe et les douze étapes
Cette méthode, portée par le slogan « ensemble nous pouvons », associe l’identification et l’entraide dans un cadre anonyme, et repose sur deux piliers : la fréquentation de groupe de paroles, et la pratique des douze étapes.
- Le groupe
L’outil de base de l’Anonyme, c’est le groupe.
Des réunions gratuites et ouvertes à tous se tiennent plusieurs fois par jour et à toute heure dans le monde entier, dans des salles louées à des associations, des églises, ou des centres hospitaliers.
On se présente à tour de rôle en annonçant son prénom, suivi de « je suis dépendant/e ». On accueille « le nouveau » comme la « personne la plus importante de la réunion ».
La prise de parole se fait généralement à main levée. On écoute, sans couper la parole ni faire de feed back sur les partages.
Les Anonymes prônent la sobriété, encouragée et célébrée par des anniversaires applaudis à chaque fin de réunion. Plus d’alcool pour les Alcooliques. Plus de drogue, d’alcool et de médicament modifiants le comportement pour les Narcotiques Anonymes, plus radicaux.
L’anonyme retrouve des gens « comme lui », dont la vie était dominée par la drogue, qui ont le désir d’arrêter de consommer, mais surtout de se rétablir.
Pendant qu’il consommait, le dépendant s’est isolé du reste du monde. Tant que son produit était à portée de main, il n’avait pas besoin des autres. Le groupe vient satisfaire ce besoin vital d’inclusion et d’appartenance. Pour le dépendant, il met fin à l’isolement et vient recréer de l’attachement.
Les avantages thérapeutiques du groupe sont reconnus depuis longtemps dans le monde médical.
- Les douze étapes
Les Douze Étapes ne fonctionnent que dans le cadre du groupe – chacune des étapes est d’ailleurs écrite à la première personne du pluriel, « nous ».
Elles sont lues à chaque début de réunion, et rappellent ce qui rend possible le rétablissement.
- La libération par la capitulation. Il s’agit d’avoir l’honnêteté de s’avouer impuissant face à la dépendance. C’est une étape d’acceptation, de lâcher prise, et d’abandon du déni.
- L’espoir qu’une chose plus forte que nous érigée en puissance supérieure, en l’occurrence un groupe d’anciens addicts avec un programme, puisse nous rendre la raison
- La foi en « Dieu, tel que nous le concevions » : la spiritualité comme antidote à l’égo dysfonctionnel de l’addict.
- Le courage de se connaître tel que l’on est. Étape inspirée de Socrate : « une vie sans examen ne vaut pas la peine d’être vécue ».
- La confession thérapeutique. Il s’agit d’avouer « à Dieu, à nous-mêmes et à un autre être humain la nature exacte de nos torts ».
- La volonté de faire disparaître nos défauts de caractères.
- L’humilité de demander de l’aide, comme remède à l’orgueil de l’égo.
- La compassion de ressentir les torts causés aux autres. C’est apprendre à construire les meilleures relations possibles avec chaque personne que nous connaissons.
- La justice en réparant ses erreurs, directement envers les personnes énumérées dans la huitième étape.
- La persévérance en instaurant un système de vigilance quotidienne. « Un jour à la fois », faire le bilan de ses actions.
- La méditation et la prière pour développer et approfondir sa spiritualité.
- Le service aux autres, pour la transmission du message.
« Ayant connu un éveil spirituel comme résultat de ces étapes », on continue à transmettre le message à ceux qui souffrent encore et on pratique les principes du programme dans tous les domaines de notre vie.
Alcooliques, dépendants sexuels, boulimiques ou toxicomanes apprennent ici à changer leur façon de fonctionner, dictée par la maladie de la dépendance.
Parce que la dépendance est une maladie qui n’a rien à voir avec la volonté.
Chaque étape se travaille et s’écrit seul, et se partage oralement avec son parrain ou sa marraine.
L’importance de la spiritualité
Dans l’écriture de ces douze étapes, Bill et Bob ont été inspirés par Carl Gustav Jung, qui avait le premier observé que seul une « force spirituelle supérieure » pouvait venir en aide à un dépendant. C’est ainsi qu’ils ont intégré l’idée de spiritualité dans le processus thérapeutique, qui peut étonner mais aussi repousser. Pourtant, cette « puissance supérieure » n’a rien de religieux.
Elle a une fonction réparatrice.
Boris Cyrulnic écrit : « l’extase peut être déclenchée par une substance chimique autant que par une représentation mentale ».
Pour le modèle Douze Étapes, la puissance supérieure est l’une des seules forces capables de s’opposer à la pulsion de mort en jeu dans l’addiction.
Le rétablissement est un vrai travail. Et le programme des Douze Étape en est son école.
Mais heureusement, le cursus de cette école de la vie est très souple. On y étudie tant que l’on en ressent le besoin. Les étapes peuvent être réalisées en quelques mois, ou plusieurs années. Des dépendant fréquente les groupes quelques temps et d’autres y participent toute leur vie. Officiellement, tout est suggéré sans obligation, car on n’oblige pas un dépendant, son égocentrisme ne le supporterait pas.
C’est certainement ce savant mélange entre travail de groupe à la Weight Watchers et spiritualité sans religion qui fait le succès des Anonymes, dans une société en quête de sens. Mais au-delà d’une mode, le programme des anonymes est une méthode solide qui a largement fait ses preuves.